Thursday, 11 September 2014

La compétition et le parkour


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Chaque fois qu’a lieu une discussion concernant la compétition, les mêmes questions rencontrent les mêmes réponses, le débat stagne à un niveau extrêmement basique, et tout reste à recommencer à la discussion suivante. Il semble maintenant nécessaire d’établir clairement les bases du débat afin de pouvoir enfin en arriver aux questions vraiment importantes, qui elles restent sans réponse, et pouvoir enfin progresser. Il est également clair que l’écrit permet d’être plus synthétique et réfléchi que l’oral, et grâce à internet peut être diffusé au-delà d’un simple groupe de discussion. Ce texte ne prétend pas apporter toutes les réponses, mais veut au moins éclaircir une fois pour toutes les points qui reviennent sans cesse et sont, somme toute, assez évidents une fois les différents points de vue confrontés. J’espère également apporter mon expérience en tant que participant à de nombreux débats et discussions concernant la compétition, le fruit de mes nombreuses interactions avec des pratiquants (compétiteurs ou non) du parkour, mais également d’autres sports, ainsi que mes connaissances générales sur le sujet.

Commençons par relever 3 éléments, une fois pour toutes :

  1. Nous ne craignons pas pour notre pratique personnelle. Nous savons très bien que personne ne va nous forcer à faire de la compétition. Nous savons que, a priori, une pratique alternative est possible, même sous un modèle dominant (n’est-ce pas ce qu’est déjà le parkour, par rapport au monde sportif dit « fédéral » ?).
  2. Nous ne sommes pas là pour imposer par la force notre modèle. Personne de sensé ne parle d’interdire la compétition. Néanmoins, nous considérons que le modèle non compétitif comme meilleur, et voulons donc le privilégier, en exposant de manière discursive les désavantages du modèle compétitif mais surtout en ne faisant pas la promotion des valeurs compétitives dans notre pratique personnelle (on pense ici principalement aux interactions avec les débutants ou le public, que ce soit entre amis, au sein d’une association, à travers les médias, etc.). On considère que la compétition est un phénomène social, et que le simple fait de donner un cadre social non compétitif suffit à diminuer par la suite son importance au niveau personnel et interpersonnel.
  3. Nous sommes parfaitement conscients qu’une bonne partie des compétiteurs actuels n’ont pas un esprit de compétition. On peut dire par exemple que ces pratiquants sont issus du milieu majoritairement non compétitif qu’est le parkour actuellement (ce qui peut changer), et conservent leur vision antérieure de la discipline durant les évènements. Nous nous trouvons également dans une situation où la participation des compétiteurs se fait sur un mode de sélection bien différent du modèle traditionnel (compétitions locales->régionales->nationales->internationales), qui permet de manière (relativement) objective d’établir le « meilleur », le « champion ». En effet, ce sont le plus souvent les traceurs renommés, déjà médiatisés, et en règle générale ceux qui se connaissent entre eux, qui y participent, les compétiteurs se retrouvent alors essentiellement entre amis, bref cette forme de compétition n’en a pour l’instant que le nom et l’aspect extérieur (dans ce cas, pourquoi tenir absolument à la forme compétitive ?), mais c’est un secret de polichinelle. Mais malgré cela et ce que l’on nous martèle, il y a déjà des gens qui participent aux compétitions dans l’intention de gagner, avec l’ « esprit de compétition », et cela ne va pas aller en diminuant. Ce n’est de toute manière pas vraiment ce que l’on craint, les motivations personnelles en tant que telles n’étant pas de notre ressort et peu intéressantes. Croire que l’on s’inquiète pour l’esprit qui règne durant les compétitions, c’est à mon avis mal comprendre la problématique. Ce que nous craignons principalement c’est : dès aujourd’hui l’image de la discipline que présente la compétition médiatisée au public non averti (qui, lui, n’est pas au courant que c’est un rendez-vous entre potes et pas une compétition, et ne sais ce qu’est le parkour qu’à partir de ce qu’on lui montre), et dans le futur les effets du développement de la compétition (qui ne va certainement pas rester ce qu’elle est aujourd’hui). Ces aspects seront développés plus loin.


La compétition n’est pas une nécessité pour la progression

Éloignons-nous momentanément du parkour et considérons le phénomène de la compétition dans un cadre plus large. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, la compétition n’est pas le seul moteur de l’évolution[1] et de la progression, et ce n’est même pas le meilleur. Se baser sur un climat de maîtrise (privilégiant « l’apprentissage, les progrès personnels et la valorisation du travail et des efforts ») plutôt que sur un climat de compétition (valorisant la « comparaison sociale, la compétition interpersonnelle, et le résultat final ») semble obtenir des résultats plus positifs (en termes de motivation, de persistance dans la pratique, et donc de progrès général d’un groupe, sur le long terme), et moins d’éléments négatifs (anxiété, abandon, tricherie…)[2]. Dans notre association (Parkour Lausanne), comme ailleurs, nous avons un fonctionnement basé sur l’entraide, et le besoin de compétition ne se fait nullement ressentir. Tout le monde progresse, mais beaucoup plus important, tout le monde semble content de sa progression. Je crois que les performances souvent qualifiées de surhumaines qu’ont montré les traceurs (dont les compétiteurs actuels, qui je le répète sont pour l’instant majoritairement issus du milieu non compétitif qu’est le parkour) depuis le début de la discipline suffisent à prouver que la compétition n’est pas nécessaire. De plus, le parkour n’a pas besoin de la compétition pour se diversifier. La concurrence ne génère pas forcément l’originalité et la diversité, mais bien souvent l’uniformité entre les pratiquants via, comme le relève Pierre Bourdieux, « l’emprunt des instruments supposés de leur réussite »[3]. Par contre, les diverses architectures de par le monde, les différentes modes locales, la diversité des morphologies de pratiquants et bien d’autres facteurs ont fait qu’il y a de nombreuses manières de pratiquer le parkour et YouTube nous présente continuellement des surprises une fois que l’on s’éloigne de la masse des vidéos uniformes[4].

La compétition n’est pas un élément motivationnel nécessaire

Qui donc désire la compétition ? Pas la population, en tout cas, puisque selon les dernières statistiques de l’OFSPO[5] seulement 16% de la population suisse compte la compétition parmi ses raisons de faire du sport (contre 98% pour la santé, 91% pour penser à autre chose, 70% pour la convivialité…). Les médias en profitent, les grandes entreprises en profitent, les acteurs qui ont un intérêt marchand en profitent (parmi eux, les rares athlètes qui peuvent réellement en vivre, et les nombreux qui espèrent en vivre). Comme le dit Jean-Marie Brohm : « les athées ou mécréants du sport sont finalement plus nombreux que les croyants »[6]. Le modèle alternatif est donc non seulement viable (pour quiconque ne le considère pas comme un objet marchandisable…), mais est ce que la population recherche aujourd’hui en grande majorité. On relèvera au passage que si leur médiatisation leur donne une certaine importance, les compétiteurs ne représentent en fait qu’une petite minorité de la communauté. La fédération française de parkour a lancé un sondage dont les résultats sont évocateurs : 90% des traceurs ne participeraient pas à des compétitions, et 71% se déclarent radicalement contre[7].

La compétition a des problèmes internes non négligeables

Citons rapidement quelques problèmes classiques du sport-compétition : la violence (physique ou verbale, mais surtout en terme d’exclusions[8]), la corruption, le surentrainement, la tricherie, et le dopage (qui sont bien plus que des dérives : ce sont des hyper conformités à la logique compétitive[9]). Ces problèmes sont aujourd’hui suffisamment bien documentés pour que l’on ne puisse les nier et touchent toutes les disciplines. Peut-être existe-t-il des moyens de diminuer ou contrebalancer les effets négatifs du monde compétitif, mais déclarer la compétition exempte de ces problèmes relève aujourd’hui de la mauvaise foi. De plus, ne croyez pas que seul le sport professionnel est confronté à ces problèmes : même le dopage est un phénomène qui prend de l’ampleur dans le monde amateur[10][11], ce qui a de quoi étonner. Il n’y a absolument aucune raison qui laisserait penser que la compétition de parkour suivra un chemin différent lorsque son institutionnalisation sera effective[12].

Les rencontres entre traceurs se font très bien sans compétition

Il y a toujours eu et il y aura toujours des rassemblements de pratiquants. Que ce soit à un niveau local entre amis ou membre d’un groupe ou association, ou à plus large échelle via divers évènements comme les « parkour days », les workshops, ou tout simplement à travers les différents voyages que les pratiquants font (que ce soit spécifiquement pour le parkour ou pour d’autres raisons personnelles), sans même compter les discussions qui se font sur le net, les échanges au sein de la communauté sont déjà innombrables. Les compétitions n’ont rien à nous apporter de plus. Trouver du financement pour l’organisation d’évènements, si nécessaire, est tout à fait possible. Selon le type d’évènement, être subventionné par les politiques socioculturelles aurait peut-être plus de sens que par le monde sportif/compétitif. De toute manière, la compétition n’aide financièrement qu’une fraction négligeable de la communauté. Une compétition a-t-elle déjà réuni plus de 400 pratiquants[13] ? Je ne crois pas.

La compétition permet de faire vivre quelques athlètes, mais à quel prix ?

Je ne connais pas le nombre de traceurs qui gagnent de l’argent grâce à la compétition, mais sans aucun doute, ce nombre est ridiculement restreint en comparaison à la communauté internationale. Parmi ceux-ci, aucun ne pourrait actuellement vivre exclusivement de la compétition (qu’on me signale si je me trompe). Combien pourraient vivre sans la compétition, en se centrant sur leur travail de démonstrations, workshops, cours, tournages de vidéos, etc. ? Ce n’est pas la compétition qui va faire vivre les gens de leur art (sans compter que la compétition est aliénante pour beaucoup, sinon pour tous, et que ce n’est donc plus vivre de son art, mais le transformer -et se transformer- en simple outil). Être économiquement indépendant de son art (ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas absolument en retirer un bénéfice économique) me semble une meilleure voie.
De plus, l’argument peut sembler extrêmement égoïste. Quelle est l’utilité d’un athlète d’élite pour la société ou la communauté[14] ? Hormis faire office d’affiche publicitaire pour des multinationales, la réponse à cette question est assez floue. On pourrait donc très bien considérer que l’athlète ne mérite pas son salaire (mais évidemment, c’est la multinationale qui postule son utilité, il a effectivement une valeur privée). Il semble faux de penser que la mercantilisation de la discipline permet de reverser de l’argent à la communauté. Je dirais qu’au contraire, la mercantilisation pousse l’ensemble des traceurs à payer (via des vêtements, des évènements, etc.) bien plus qu’il ne leur faudrait, pour une activité qui ne coûte en fait que le prix d’une paire de chaussures (et encore…), tout ça pour faire subvenir quelques rares personnes.

Le parkour n’a pas besoin de la compétition pour sa médiatisation

Le volume de recherche sur Google pour le mot « parkour » augmente en continu depuis des années, jusqu’à dépasser le skate et se rapprocher du surf en terme de popularité sur le net[15]. Le nombre de pratiquants actuels est difficile à estimer, mais se compte en millions à travers le monde. Aucun pays n’est épargné par la présence de traceurs. Popularisé par des films et via internet, je n’ai jamais entendu quelqu’un me dire avoir voulu commencer après vu une compétition. La compétition est par essence élitiste, et c’est encore une des raisons qui fait qu’elle ne promet selon moi pas d’être un bon moteur de développement pour le parkour. Les gens sont nombreux à vouloir commencer le parkour depuis qu’ils se rendent compte que la discipline est accessible à tous, pas juste à une élite surentrainée et casse-cou ! Néanmoins, cette image de casse-cous nous colle toujours à la peau. S’il faut absolument médiatiser et démocratiser le parkour (ce qui n’est pas une nécessité dans l’absolu, et ne doit en tout cas, selon moi, pas se faire au prix du sens de la discipline), alors ce qu’il reste à faire est de montrer son accessibilité et les aspects de l’entrainement, de la communauté, ou de sa philosophie. Le présenter comme un sport « xtreme » de plus n’a aucune utilité. Bien au contraire, cela porte préjudice à la discipline et surtout au long travail que certains traceurs ont fait durant les années pour expliquer le parkour, montrer en quoi il est exceptionnel, lui donner une bonne image. Je citerai ici encore une fois Pierre Bourdieu : « Ce qui me parait difficile à justifier, c’est que l’on s’autorise de l’extension de l’audience pour abaisser le droit d’entrée dans le champ »[16]. Ce qu’il nous faut faire c’est permettre aux public de s’élever pour accéder au parkour, pas abaisser le parkour pour le mettre à la hauteur du public… La médiatisation ne doit donc pas se faire n’importe comment, et il vaut selon moi mieux qu’il n’y ait pas de médiatisation plutôt qu’une médiatisation dans les mauvaises conditions. Il serait temps de privilégier la qualité à la quantité.
On a de toute évidence besoin de héros du parkour, pour faire rêver les observateurs, leur donner envie de commencer. Mais nul besoin de compétition pour cela : les films d’action, les vidéos de pratiquants, les documentaires, les rencontres, et tout simplement la présence de plus en plus marquée des traceurs dans les rues font leur effet. Le parkour est suffisamment intéressant, unique, intriguant pour que l’on n’ait pas à le vendre de manière trompeuse. De plus, s’il nous faut des héros, c’est selon moi des modèles bien différents que ceux qui nous sont proposés dans l’élite sportive[17]. Des exemples d’intégrité morale, d’entraide, de vie aventureuse semblent (par exemple et à titre personnel) à privilégier. Il suffit de leur donner la visibilité qu’ils n’ont pas.
De plus, ce pour quoi beaucoup d’entre nous nous battons, c’est l’avènement d’une alternative, et pas pour son intégration dans le reste du système sportif. Si l’on a tous l’intuition que le parkour est quelque chose d’unique, qui mérite d’être partagé, c’est bien parce qu’il se situe en marge du cadre de ce qui existe déjà. Et si le parkour veut rester ce qu’il a été jusqu’à maintenant, quelque chose de subversif et donc capable de provoquer de grands changements chez les pratiquants, il faut qu’il reste une alternative (fut-elle minoritaire) et pas qu’il s’intègre aux valeurs dominantes du sport compétitif.

La compétition ne permet pas de montrer qui a le plus de mérite ou s’est le mieux entraîné

Les compétiteurs de haut niveau dédient corps et âme à leur discipline. Mais cela ne veut pas dire pour autant que ce sont les seuls à le faire. Ceux qui sont en haut de l’échelle ont probablement bénéficié d’un climat (situation économique, sociale, géographique…) qui leur a permis de s’entrainer plus et dans des conditions plus favorables à la performance. Ils ont peut-être commencé plus jeunes, poussé par leurs parents (ou par leur gouvernement ou toute autre instance faisant autorité). Ils ont évolué dans un environnement qui les poussait à la performance objective, éphémère et compétitive quand d’autres pratiquaient d’une autre manière, s’intéressant avant tout à leur plaisir, leur progrès personnel, leur bien-être. Ils se sont spécialisés quand d’autres papillonnaient. Ils sont génétiquement, morphologiquement, physiologiquement conçus[18] (et surtout sélectionnés[19]) pour supporter de grandes charges d’entrainement, récupérer rapidement, progresser très vite, faire des performances impossibles pour le commun des mortels, si bien que certaines études montreraient que le statut d’athlète de haut niveau peut être attribuée majoritairement (ici 66%[20]) à des caractéristiques innées. Le dopage vient ensuite s’ajouter à cette liste pour achever un mythe. Je ne suis pas en train de dire que les athlètes d’élite ne se trouvent pas sur une voie extrêmement difficile, exigeante et méritante. Mais on voit très bien les différences interindividuelles dans le parkour, où après seulement quelques mois d’entrainement par nécessairement sérieux ni régulier certains parviennent à dépasser des vétérans. En venir à penser que le mérite ou le sérieux de l’entrainement se mesurent à la longueur du saut, la vitesse sur un parkour d’obstacle ou toute autre performance quantitative à un moment précis est absurde. La seule chose que la compétition peut faire, c’est montrer quel pratiquant réalise la meilleure performance objective, quantifiée, dans un domaine précis ou pour un mouvement spécifique, à un certain moment et dans un contexte donné.

La compétition n’est pas une mise en situation réelle du parkour

Certains imaginent que la compétition est un moyen de tester sa mise en application du parkour en dehors d’une situation d’entrainement. Premièrement, si la compétition présente bien une dose de stress que l’on pourrait rapprocher de la situation réelle idéalisée, une utilisation du parkour en situation réelle ne se fait pas nécessairement sous stress. La probabilité de se retrouver dans une situation de haut stress nécessitant une utilisation du parkour est faible[21]. Deuxièmement, vouloir comparer une situation où l’on est volontairement prêt à effectuer une performance, avec un échauffement préalable, un terrain d’obstacles connu à l’avance, une pression qui ne provient que du chrono, du public et du jury, avec une situation réelle qui forcerait à se mettre en mode parkour en un seul instant sans flancher, sans pouvoir s’échauffer, se déplacer dans un environnement probablement inconnu et dans des conditions potentiellement adverses (nuit, brouillard, froid, pluie…), sous une pression qui pourrait être celle d’une question de vie ou de mort, vouloir cette comparaison donc, me semble assez risible. On se donne suffisamment d’obstacles et de challenges dans notre pratique pour qu’il soit nécessaire ou bénéfique d’ajouter celui de la compétition. Néanmoins si votre intention est effectivement de vous préparer pour une situation d’urgence, je vous laisse lire l’article Parkour Randori d’Amos Rendao[22]

La compétition en parkour est extrêmement dangereuse

Je cite le Manifeste contre l'organisation de compétitions dans le parkour[23], dont c’est un des arguments principaux : « Les compétitions de parkour et de freerunning, dans la mesure où elles poussent l’athlète 1- à faire le plus de choses possibles dans un temps très court et limité, et 2- à faire des choses difficiles et dangereuses pour impressionner le public et les juges, plutôt qu’utiliser des techniques simples et sûres, placent l’athlète dans une situation de grand danger, et ce, quel que soit son niveau d’aptitudes ». Les hauteurs, les distances, les forces en jeu dans le parkour ne pardonnent pas les erreurs. Si le nombre de blessés est encore faible, c’est bien parce qu’il y a peu de facteurs externes au pratiquant qui entrent en jeu (contrairement aux sports où l’environnement est rendu imprévisible, notamment par la présence de partenaires ou d’adversaires). Mais les critères de la compétition, la pression sociale (des pairs, des adversaires, du jury, du public…), celle du temps (si la compétition est chronométrée), mais aussi la pression économique (afin de pouvoir vivre du parkour, il faut gagner, il faut balancer du lourd pour gagner en notoriété, etc.) sont des facteurs externes qui poussent (consciemment ou non) le pratiquant à se focaliser sur certains éléments de sa pratique et donc à en abandonner d’autres. Parmi eux, le point substantiel et pourtant souvent oublié du parkour : la sécurité[24]. Par exemple, le critère d’un speedrun est la vitesse ; mais une situation réelle ne se réduit pas qu’à cela et ralentir pour observer les alentours, vérifier les obstacles, prendre le temps de calculer les distances, se concentrer, privilégier un chemin sûr à un chemin rapide, etc. sont non seulement possibles, mais conseillés, et, somme toute, logiques. Arriver au point B rapidement, c’est bien, mais pas si cela se fait au prix d’un membre. Doit-on alors adapter le terrain et les obstacles pour diminuer les risques de blessures ? Mettre de la matière synthétique sur les prises d’élan, des matelas sous et derrière les obstacles, des filets de sécurité ? À ce moment-là, on aura complètement oublié ce qu’est le parkour.

La compétition n’est pas compatible avec les principes du parkour

Le parkour est défini comme une méthode d’entrainement[25], visant à se renforcer physiquement et mentalement pour et par le franchissement d’obstacles. On ne peut pas faire une compétition d’une méthode d’entrainement, mais seulement sur les résultats de cette méthode. Le parkour n’étant pas la méthode la plus efficace pour obtenir des résultats objectifs, quantifiables et spécifiques, ce sont d'autres méthodes qui vont être utilisées pour obtenir des résultats en compétition[26]. On ne peut donc pas faire de compétition de parkour, c’est une impossibilité de principe. Une autre question se pose : va-t-on voir les recalés de l’athlétisme, par exemple, participer aux compétitions de parkour (speedrun, saut-de-chat-en-longueur…) pour gagner ce qui est inaccessible dans leur propre domaine[27] (le pool d’athlètes d’élite surentrainés y étant trop large pour une bonne probabilité de victoire), lorsque les enjeux de la compétition de parkour seront suffisamment importants ? Comment se situera le traceur par rapport à ces athlètes spécialisés ?
Le parkour demande de s’adapter à l’environnement et à ses obstacles et s’est toujours placé en opposition à la spécialisation, notamment parce qu’il est issu de la tradition hébertiste, dont le parkour semble être le dernier représentant à ne pas être moribond… pour l’instant. Le parkour, utilitaire par essence, comme un art martial, demande d’être prêt qu’importe le moment (« traceur, toujours prêt ! », « être fort pour être utile », « être et durer »). Il ne s’accorde donc pas avec la périodisation de l’entrainement, qui vise à atteindre la performance maximale à un moment donné de l’année, celui de la compétition. Le parkour vise à l’augmentation de son potentiel, pas dans le but de réaliser trois compétitions puis partir à la retraite, mais en tant qu’« arme qu’on aiguise, on s’entraine et si un jour y’a un problème on sait qu’on peut s’en servir»[28]. La compétition s’oppose donc fondamentalement au parkour, en fonctionnant par universalisation des normes, spécialisation des athlètes et performances quantitatives éphémères.
La normalisation commence par l’uniformisation des champs d’obstacles : il est clair que les terrains d’obstacles pour la compétition seront pensés, comme pour les parkour-parks, en vue d’un certain nombre de mouvements spécifiques (ici un passemuraille, là un saut de chat, on adapte l’environnement au parkour et pas le contraire). Il y a une forte probabilité pour qu’une manière spécifique de surmonter chaque obstacle soit définie[29] (c’est ce que l’on fait dans toutes les compétitions, on ne peut pas lancer un javelot à deux mains, on ne peut pas sauter en hauteur à pieds joints, on ne peut pas sauter en longueur avec un périlleux avant…). De plus, va-t-on voir des terrains identiques à chaque compétition ? Après tout, c’est le cas de tous les sports compétitifs, l’universalité de la norme étant là pour «garantir que les compétitions à venir seront ce que chacun anticipe»[30]. L’uniformisation se fera également en fonction des critères de jugement de la compétition : système de pointage[31] comme en gymnastique qui amènera à abandonner certaines formes de mouvements, voir certains mouvements tout court ; ou système métrique/chronométrique qui amènera à privilégier certaines manières de tracer (mieux vaut que j’abandonne l’économie d’énergie pour la vitesse, mieux vaut sauter le plus haut possible que de tout faire pour protéger mon intégrité physique…). La compétition a besoin de critères objectifs (et d’autant plus précis que les enjeux économiques, politiques et personnels sont grands) pour départager les participants. On obtiendra donc progressivement des spécialistes de certains mouvements ou d’ensembles réduits de mouvements, et si on imagine une évolution sur le long terme, quelque chose qui pourrait terminer par être très similaire à l’athlétisme (ou à la gymnastique aux agrès pour ce qui est du freerunning). Citons encore une fois Brohm : « La sportivisation mondiale a laminé tout ce qui était spécifique et original ; il ne reste plus que le modèle Adidas »[32] ainsi que Pascal Chantelat : «La balance des pouvoirs s’est déplacée en faveur des patrons de la branche du spectacle, ce qui a contraint diverses organisations sportives à s’aligner sur leurs valeurs et leurs méthodes de management»[33].
Ayant pratiqué le judo durant de nombreuses années, je sais que l’on enseigne beaucoup moins facilement les formes qui sont interdites ou inefficaces en compétition. C’est ce que l’on peut craindre pour le futur du parkour. Si Jigoro Kano (fondateur du judo) désirait utiliser la compétition pour permettre à son art de se répandre, il ne voulait évidemment pas qu’il se résume à cela. Il me paraît clair que c’était là une erreur stratégique : même si j’espère qu’il existe encore des manières alternatives de le pratiquer, ce n’est pas à cela qu’à accès la majorité des gens. Peut-être que ce qui est bon avec le parkour, c’est que les gens n’ont pas encore le choix d’opter pour un club compétitif ou non compétitif, mais bon gré, mal gré, les traceurs se retrouvent d’office plongés dans un milieu non compétitif, où règne l’entraide, l’absence de règles formelles, etc. qui non seulement se constitue en pratique alternative au reste du monde sportif, mais permet également une acculturation qui laisse espérer à plus ou moins grande échelle des changements sociaux et dans les modalités de pratique d’activité physique en dehors du parkour[34]. À la longue, on peut craindre la perte de ce qui fait du parkour une discipline à part, une perte de profondeur, au profit de la superficialité, du spectaculaire, mais une perte de sens également, l’oubli de ce qui fait du parkour une discipline subversive. Si vous ne respectez pas les « principes » du parkour, demandez-vous au moins ce qui a fait que vous avez choisi le parkour (et que, très probablement, vous le pratiquez d’une manière différente aux autres sports que vous avez pratiqués auparavant). Il y a de fortes chances que ce soit justement parce que sa logique interne se distingue du reste du monde sportif et compétitif.

Conclusion : oui, mais…

Soyons pragmatiques : on n’empêchera pas les compétitions. Il y en a déjà, et il y en aura toujours. Cela ne nous empêche pas de continuer à montrer notre désapprobation tout en expliquant notre raisonnement, continuer à pratiquer à notre manière et faire la promotion des valeurs qui nous sont propres. On a tendance à l’oublier à cause de leur forte médiatisation, mais les compétiteurs ne représentent qu’une faible minorité de la communauté. Si les traceurs s’attachent à faire des projets à leur manière, et ne se laissent pas conduire par la minorité (qui est plus forte, économiquement et médiatiquement parlant), on a la possibilité de choisir ce que l’on veut faire de la discipline qui nous est chère. S’il vous semble que la compétition est importante, rien ne vous empêche d’organiser des compétitions entre potes. Mais l’institution de la compétition est une autre affaire, en particulier si cela se fait sous l’influence de sponsors plus que douteux[35].

Quelques voies à discuter et explorer :

  • Faire la promotion de valeurs non-compétitives
  • Propager les arguments contre la compétition (ceux dont j’ai parlé dans cet article, ou d’autres)
  • Trouver des sponsors avec qui l’on peut avoir une relation de mutualisme (et pas seulement une relation asymétrique « je donne mon corps, tu donnes de l’argent »[36]). Il y a des gens qui ont des buts en commun avec les traceurs, supportons-les.
  • Se rendre indépendant économiquement de la discipline. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas gagner de l’argent avec le parkour. Mais en être indépendant permet dans une certaine mesure d’éviter les concessions dommageables pour soi (éviter que la discipline et son propre corps ne deviennent de simples outils de travail) et pour la discipline (pouvoir choisir ce que l’on veut montrer au public).
  • Si des spectacles marchandisables sont essentiels ou inévitables, trouver des formes de spectacle qui soient moins dommageables. Le parkour est quelque chose de suffisamment beau, surprenant et spectaculaire à regarder pour que l’on ait pas besoin d’orchestrer des affrontements par-dessus le marché. Des formes démonstratives (démontrer un savoir-faire plutôt qu’une simple performance), artistiques ou présentant un aspect coopératif plutôt que compétitif méritent réflexion. L’exemple de Ninja Warrior est souvent avancé, le modèle est à étudier/discuter.
  • Se rapprocher des politiques socioculturelles plutôt que des institutions sportives.
  • Autres idées ?


Il existe certainement d’autres solutions : l’important est maintenant d’essayer d’aller au-delà de la simple problématique « pour ou contre la compétition ».

Ce débat prend aujourd’hui tout son sens, puisque le Mouvement International pour le Parkour, Freerunning et Art du Déplacement (MIPFA) a récemment vu le jour. Il est fait mention de la compétition dans ses statuts. Agissant en tant que fédération internationale, le MIPFA aura pour but d’institutionnaliser, organiser, codifier et protéger les compétitions dans les trois disciplines. Si la manière dont ces objectifs se réaliseront n’est pas encore claire, il est évident que sous l’égide d’une seule institution, le développement de la compétition va changer de forme. Espérons surtout que l’on pourra infléchir ou participer à son développement de manière constructive.


[1] Darwin, ou plutôt ses successeurs l’ayant mal lu, ont quelque chose à voir là-dedans. L’entraide, un facteur de l’évolution de Pierre Kropotkine, est éclairant à ce sujet.
[2] Philippe Sarrazin, Damien Tessier et David Trouilloud, « Climat motivationnel instauré par l’enseignant et implication des élèves en classe : l’état des recherches », Revue française de pédagogie [http://rfp.revues.org/463]. Evidemment, il y a peut-être certains individus auxquels le climat compétitif convient. Il est possible que le climat compétitif permette à certains de s’élever à un très haut niveau tandis que la majorité s’écrase. Loin de vouloir niveler vers le bas, notre but est l’élévation, mais de l’entier du groupe, pas seulement de certains individus.
[3] Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Raisons d’Agir, 2008 (1996).
[4] Les plus grosses surprises que j’ai pu avoir n’ont pas été provoquées par les traceurs compétiteurs et sponsorisés, mais bien par des gens qui ne sont pas en concurrence sur le même plan, n’essaient pas simplement de rivaliser en termes de distance, de nombre de rotations, ou à se montrer sur les spots connus en ajoutant un petit détail « j’ai fait le saut que tous les plus grands ont fait, mais de mon mauvais pied », mais pratiquent simplement à leur façon. Ils ont donc quelque chose de différent au lieu de faire la même chose avec un truc en plus.
[6] http://1libertaire.free.fr/Brohm05.html
[7] http://www.fedeparkour.fr/news/les-resultats-du-sondage-sur-la-competition
[9] Bourg Jean-François, « Le sportif et le marché : le cas du dopage », Revue internationale de Psychosociologie, 2003/20 Vol. IX, p. 73-90
[11] En fait, un rapport de la Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage (http://www.senat.fr/rap/r12-782-1/r12-782-14.html) fait état de 5% de contrôles positifs chez des cyclistes amateurs, alors même que le test se faisait sur une quantité limitée de substances et était volontaire. A titre indicatif (pour diverses raisons dont certaines explicitées dans ce rapport, ces valeurs sont difficilement comparables et les statistiques ne font pas état de la réalité) le taux de contrôles positifs chez les cyclistes professionnels serait de 13.7%.
[12] Au pire, appliquons le principe de précaution.
[13] Contrairement au week-end FPK 2014, par exemple
[14] Il y a des domaines liés au parkour qui sont encore aujourd’hui, semble-t-il, relativement inexplorés. Le développement de progressions pour les différents mouvements du parkour, les méthodes pédagogiques, les approches du parkour pour les enfants ou les personnes âgées, la recherche sur la performance, la biomécanique ou l’entrainement… Sans compter les domaines qui sont déjà exploités aujourd’hui. Evidemment, pas tout le monde ne pourra vivre de sa pratique, mais c’est le cas avec ou sans compétition. Pourtant beaucoup de travail reste à faire, ayant une utilité pour la communauté du parkour ou la société en général !
[16] Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Raisons d’Agir, 2008 (1996).
[17] George Carlin disait “People say athletes should be role models. I never looked up to an athlete, did you? I liked them. I didn't copy them. Did you ever listen to one of those guys talk? Would you want your kid to turn out like that? Willing to completely subordinate his ego and individuality for the sake of a group whose sole purpose is to compete with other groups? Can't have a mustache? Gotta wear a suit jacket? Shit! If your kid needs a role model and you ain't it, you're both fucked.” George Carlin, 3x Carlin: an Orgy of George, New York: Hyperion, 2006. 66-73
[18] On pourrait citer l’exemple de Donald Thomas qui, issu du monde du basket et après seulement 8mois d’entrainement remportait le Championnat du Monde en saut en hauteur en 2007. Cette performance serait expliquée en grande partie par la longueur anormale de son tendon d’Achille, qui lui permettait une performance incroyable malgré son manque flagrant de technique.
[19] On recherche par exemple le taux relatif de fibres musculaires rapides et lentes chez les jeunes athlètes afin de déterminer le sport dans lequel ils ont le meilleur potentiel. On pourrait commencer aujourd’hui à faire du dépistage génétique pour trouver les athlètes qui possèdent des gènes réputés être utiles pour la performance. Et évidemment, cette sélection se fait indirectement via les résultats compétitif ou à l’entrainement.
[21] Cela dépend évidemment de votre profession, lieu d’habitation, etc.
[24] On a tendance à définir le parkour comme « se mouvoir avec efficience » ou « aller du point A au point B le plus rapidement possible ». N’oublions pas que le fait de garantir son intégrité corporelle jusqu’au point B mérite souvent de sacrifier un peu de l’efficience ou de la vitesse.
[25] Notamment par David Belle : https://www.youtube.com/watch?v=iEbhFs3HjEs
[26] Cette logique est valable pour n’importe quel sport. Un exemple similaire au parkour peut se trouver dans le Crossfit. On remarque que les athlètes qui gagnent les compétitions de CrossFit (une méthode d’entrainement) utilisent en fait d’autres méthodes pour s’entrainer. Voir http://blog.moncoach.com/les-avantages-les-inconvenients-du-crossfit/ et http://www.t-nation.com/training/crossfit-the-good-bad-and-the-ugly
[27] Tout comme la gymnastique (et le tricking) se mêle déjà au freerunning ou au street-workout
[29] Sauf erreur, c’était déjà le cas pour les speedruns de Xtrem Gravity.
[30] Jacques Defrance, Sociologie du sport, La Découverte, 2011.
[31] Vouloir juger un art, ou l’esthétique des mouvements, quelque chose de fondamentalement qualitatif et subjectif, est absurde. Le seul moyen est de tenter de quantifier cette performance qualitative, ce qui revient à se limiter à quelques critères, et à s’éloigner de la performance qualitative. C’est une des raisons pour laquelle Tim Shieff, par exemple, ne participe plus aux Red Bull Art of Motion et autres compétitions « freestyle ».
[33] Pascal Chantelat, La Professionnalisation des organisations sportives. Nouveaux enjeux, nouveaux débats, 2001 in Sociologie du sport, Jacques Defrance.
[34] Puisque le parkour est souvent considéré comme une philosophie de vie. Pour citer un exemple documenté, on remarque que les pratiquants de l’aïkido (non- compétitif) sont par exemple plus permissifs sur les questions morales que les judokas (discipline compétitive) notamment « à l’égard de l’homosexualité, de la peine de mort, de l’usage des drogues douces ». Les pratiquants de l’aïkido sont également plus nombreux à vouloir « éviter la radicalisation des conflits » et « une distance critique à l’égard des institutions ». Jacques Defrance, Sociologie du sport.
[35] Soyez responsables : si vous êtes utilisé en tant que vitrine publicitaire, assurez-vous au moins que vous n’avez pas un impact néfaste et que vous ne supportez pas un produit ou une entreprise qui soit à l’exact opposé de vos valeurs. Beaucoup sous-estiment l’influence qu’ils ont, à la fois sur le parkour, les traceurs, et le grand public.
[36] Cela permet d’éviter l’hypocrisie et la contre-productivité, quelque part. Si faire la promotion de l’activité physique ET du fast-food (pour ne citer aucune organisation précise) paraît en effet aberrant, c'est pourtant une situation très répandue.

Tuesday, 24 June 2014

L'enseignement du parkour


Ces dernières années, on a pu voir l’augmentation du nombre de « cours » ou entrainements de parkour en tous genres, dans le milieu associatif, scolaire, privé… néanmoins, la plupart des traceurs confirmés d’aujourd’hui, ayant commencé en général il y a plus de cinq ans, ont appris par eux-mêmes, seuls ou en petits groupes, en imitant des films ou des vidéos trouvées sur internet. Parmi eux, on trouve naturellement de ceux qui pensent qu’il est impossible d’enseigner le parkour. Et ils n’ont pas tout à fait tort (pour des raisons que j’aborderais plus loin). Mais il me semble qu’il y a une place pour l’enseignement[1] qu’il ne faut pas négliger, en particulier au vu de l’essor extrêmement rapide de la discipline[2]. J’aborderais dans cet article les idées, réflexions et questionnements que j’ai pu avoir sur le sujet. Cela peut vous intéresser en tant qu’enseignant (et pas seulement de parkour), mais également en tant que pratiquant. Si vous avez quelque chose à ajouter ou voulez me contredire, c’est avec plaisir, ma réflexion est loin d’être terminée, d’autant plus que je ne suis pas un spécialiste de la pédagogie.
Commençons par le dire : je vais m’efforcer d’être neutre, mais il y aura nécessairement ici une part de subjectivité. J’adore enseigner, partager des connaissances. Si selon moi l’altruisme (désintéressé) n’existe pas, cela n’empêche pas les actes égoïstes de pouvoir être également bénéfiques pour autrui, de l’égoïsme utile en somme[3]. C’est ce que je m’efforce de faire en général, et en particulier à travers l’enseignement du parkour. Disons que je serais bien triste si l’on me retirait cela, qui est une de mes motivations pour persévérer dans la discipline.

En vivant le parkour, on a vraiment l’impression de pratiquer une activité à part du reste, et ce ressenti est suffisamment ancré chez les traceurs pour qu’il apparaisse difficile de mettre le parkour en relation avec d’autres pratiques physique (hormis peut-être les arts martiaux, parallèle fait régulièrement). Pourtant, en tant qu’activité physique pure, le parkour ne diffère pas fondamentalement de tout autre activité physique… et donc des sports. On pourra argumenter autant que l’on veut concernant la liberté du mouvement et le fait que dans le parkour, « ce qui est efficace est ce qui est juste »… il n’en reste pas moins qu’il y a des mouvements « justes », et d’autres « faux », et cela à trois niveaux.
Premièrement, on l’a dit, ce qui est efficace est considéré comme juste, étant donné la finalité[4] du parkour.
Deuxièmement, et cela est une conséquence du premier point, on peut remarquer l’émergence d’une esthétique fonctionnelle dans le parkour. On entend ainsi souvent chez les traceurs des critiques exprimés sous une forme esthétique : « C’était quoi ce climb-up ? » « Ton atterrissage était dégueulasse ! », « Trop moche ton saut ! », etc. Ce qui est efficace et juste devient également ce qui est beau (sans doute une des raisons pour laquelle un training large est pour certains traceurs, moi le premier, largement plus stylé qu’un costard).
Troisièmement, en dehors de l’efficacité sur le court terme, il faut tenir compte de l’efficacité sur le long terme. Chaque traceur a sa propre manière de bouger, selon son expérience, ses préférences, sa morphologie… et ce qui est efficace peut être différent pour chacun. Néanmoins, il ne faut jamais oublier qu’en essayant de corriger une mauvaise habitude, une forme de mouvement efficace paraîtra très souvent le contraire (« ça fonctionne pas pour moi »), jusqu’au moment où l’accumulation d’heures d’entrainements permet à cette nouvelle forme de surpasser largement la première, raison pour laquelle la persévérance est importante. La plupart des mouvements du parkour sont assez naturels (parce que le corps humain est tout à fait adapté pour les produire, et qu’ils ont en général tous été expérimentés à partir de notre enfance) et semblent venir très rapidement chez la plupart des débutants. Néanmoins, le problème survient souvent quand une mauvaise habitude est prise. Formellement, on ne nous apprend pas grand-chose des mouvements de base, que ce soit dans le cadre familial, social, scolaire... Comment avoir une bonne posture, comment marcher, courir, sauter, et surtout atterrir correctement ? Une mauvaise technique avec les forces énormes qui sont en jeu dans le parkour représente un bien plus grand danger et risque sur le moyen/long terme qu’une chute.
Pour déterminer ce qui est juste, et ce qui est faux, il faut donc une personne d’expérience. Beaucoup d’éléments (atterrir sur les pointes, diminuer le bruit des impacts, etc.) sont à la portée de n’importe quel traceur, après quelques entrainements. D’autres nécessitent des connaissances beaucoup plus étendues, d’autant plus que, comme dit plus haut, les règles de la justesse se transmettent beaucoup par l’esthétique, et que le beau n’est pas toujours juste, ou le plus juste, en particulier si l’on tiens compte des divergences morphologiques entre les traceurs[5].

L’activité physique est également source de nombreux aprioris et mythes, et ce n’est malheureusement pas l’éducation physique scolaire (faute d’enseignement formel, on nous fait jouer plus qu’autre chose), ni (de mon expérience vécue) les clubs sportifs, qui vont les dissiper. Si l’on ne peut pas les dissiper, on peut au moins éviter que d’autres se propagent à partir du parkour. Le parkour a donc besoin de personnes qualifiées, et pas seulement en tant que traceurs d’expérience (qui ont leur place également, que j’encourage fortement et notamment à consolider leurs connaissances, que je remercie pour tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant).

Les enseignants peuvent être très utiles pour donner un cadre motivationnel à la pratique. Certaines personnes ont besoin d’une structure temporelle (entrainements réguliers) ou spatiale (salles, lieu habituel), ou tout simplement d’une personne qui leur dise quoi faire. Il me parait douteux, et j’y reviendrai plus loin, de faire dépendre les individus sur de telles structures, c’est pourquoi j’encourage à s’entrainer par soi-même (seul si possible, ou en groupe réduit) le plus vite et le plus régulièrement possible, et cela en extérieur. Mais cela demande peut-être une phase de transition pour quelqu’un habitué au cadre habituel des sports modernes, pour une personne ne se sentant pas à l’aise d’investir les lieux publics de sa présence, etc.
Les enseignants ont également leur place pour donner un cadre philosophique à la discipline, en rappeler l’origine, etc. même si cela peut à mon sens être fait tout à fait correctement par les traceurs qui s’y intéressent un minimum.

Il y aurait sans doute bien plus à dire, mais je pense que cela suffit à remettre l’enseignement à la place qui lui est due. Venons-en maintenant aux problèmes que pose l’enseignement du parkour, qui sont loin d’être négligeables.
Si le parkour ne se distingue pas d’une pratique physique classique au niveau du mouvement même, le sens qu’on lui donne, la philosophie et méthodologie qui lui sont propres font que l’approche doit être différente à certains égards. En effet, avant d’être un moyen de locomotion, le parkour est une méthode d’entrainement consistant à se renforcer physiquement et mentalement en franchissant des obstacles[6]. Le parkour n’est pas une performance objective pouvant être atteinte par des moyens divers mais est constitué en lui-même par ces moyens. Le parkour, c’est le parcours qui y mène. Le parkour consiste en cette confrontation à l’obstacle qui est difficile mais qu’on ne peut pas retirer. Je crois qu’il est assez évident que si on se levait un jour et que toutes les barrières étaient levées, le parkour n’aurait plus de sens, se jouer des obstacles n’ayant d’intérêt que par la présence d’obstacles[7]. En clair, la facette du parkour qui pour moi a le plus d'importance réside dans l’expérience et la recherche que chacun fait pour sa progression, et pas dans la progression elle-même (ou dit autrement, pas dans les résultats de cette progression, qui sont secondaires[8]).
Le parkour exige de s’adapter à son environnement, chaque situation et chaque obstacle ayant ses spécificités. Il ne peut pas s’enseigner en salle. Au mieux, il est possible de faire une « introduction au parkour », en présenter les mouvements principaux et spécifiques, et cela peut être utile dans certaines conditions ou avec certaines catégories de personnes. Mais dire que cela est du parkour serait dénaturer totalement la pratique et lui retirer tout son sens.
Le parkour demande d’être autonome, de se connaitre et de pouvoir identifier ce qui est possible et impossible en fonction de la situation et de nos propres capacités afin de pouvoir être compris comme une façon de se déplacer quotidiennement (ou à minima, lors de situations spécifiques[9]) au lieu d’être un simple sport déconnecté de la vie. Il faut être capable de se poser des obstacles à soi-même et de les affronter afin de pouvoir progresser (et surtout s’amuser, créer un jeu en se donnant un certain nombre de règles). L’enseignant doit donc permettre cette prise d’autonomie. Le traceur n’est pas un simple exécuteur de mouvement, c’est à lui de tracer sa route. On a par ailleurs toujours dit que le parkour consistait en un refus des normes, un refus de l’attribution fonctionnelle qui a été faite à l’environnement (« j’utilise ce banc pour autre chose que m’assoir »). Il semblerait bien étrange (et présomptueux peut-être) qu’un enseignant fasse la démarche inverse en déterminant le juste et le faux en lieu et place du traceur lui-même, en dehors des éléments mentionnés plus haut.
Mettons les choses ainsi : le traceur est rationnel et libre. C’est en théorie à lui de déterminer sa façon de bouger. Il lui manque néanmoins pour faire ses décisions la perfection de l’information, à laquelle pourra contribuer un enseignant expérimenté et compétent. Le choix c’est bien, mais un choix éclairé, c’est mieux. La population des traceurs étant constituée principalement de jeunes, le problème de l’immaturité ne doit pas être négligé : un jeune étant moins capable de se projeter dans l’avenir, il ne lui suffit pas toujours de connaitre des conséquences pour en prendre compte dans sa pratique. Il y a donc des cas où tempérer certaines prises de risque semble important, même si ces cas sont difficiles à définir (qui décide quelle prise de risque en vaut la peine ? qui en est responsable ?).

Tout cela étant dit, voici quelques guidelines que j’essaie de suivre moi-même, qui me semblent importantes et que j’aurais aimé voir appliquées par les enseignants que j’ai pu avoir jusqu’à maintenant (c’est bien parce que j’ai souvent été déçu que j’essaie d’en faire l’application moi-même) :
Transmission horizontale du savoir : il me semble que personne n’a de prérogative sur le savoir. Le savoir est fluctuant, en constante évolution, et cela est particulièrement marqué dans le monde du sport qui reste un sujet d’étude très récent. Tout le monde peut faire des erreurs, tout le monde peut être corrigé. Tout le monde est compétent dans certaines domaines, moins dans d’autres. Pour ces raisons, je dirais qu’il est nécessaire que l’enseignement ne se fasse pas sous forme d’imposition d’autorité. Chacun peut contribuer aux connaissances de l’autre, et même si la transmission d’information se fait de manière asymétrique entre un débutant et un expert, il est important qu’elle se fasse dans les deux sens. Pour contribuer à l’autonomie (et donc diminuer la dépendance, ce qui sera difficile à accepter et mettre en place pour certains…) du traceur ou de l’apprenant en général, il est essentiel de toujours expliquer les raisons ou le raisonnement qu’il y a derrière les informations qu’on lui donne. Ce n’est pas « fais-ceci » qui lui sera utile, mais « fais-ceci parce que [x] ». Cela permet une distance critique, voire de décider que la méthode proposée n’est pas la bonne (notamment si [x] ne fait pas partie des objectifs du pratiquant), permet une meilleure transposition des connaissances à d’autres domaines (plus ou moins proches selon le cas), et contribue au niveau de connaissance en général. Dans mon idéal, enseigner c’est contribuer au développement de la personne en général, pas juste dans un seul domaine précis et restreint. Si en enseignant le parkour on peut faire passer d’autres connaissances avec, pourquoi s’en priver ? Oui ça demande du travail de la part de l’enseignant (qui doit être capable de s’adapter, qui doit vérifier ses informations et réellement comprendre ce qu’il dit au lieu de simplement suivre les recommandations de ses propres enseignants et appliquer dans le vide). Oui, ça demande de l’humilité de refuser une position d’autorité. Ouais ça demande de redonner à l’individu sa propre responsabilité et se mettre en danger dans ce monde où personne n’ose prendre de risque[10]. Oui, ça brise le cœur et le portemonnaie de rendre l’autre progressivement indépendant de soi. Vous êtes là pour enseigner et voir les gens progresser et s’améliorer ou pour faire une transaction marchande ?
En dehors de la relation débutant-expert, il m’a toujours semblé que la transmission peut se faire à tous les niveaux, même débutant-débutant[11]. Au sein du groupe, l’entraide est non seulement utile pour la progression de tous, mais elle est également extrêmement valorisante pour chacun, et peut être une source de motivation très forte (ce qu’elle a été et est toujours pour moi dans de nombreux domaines), ainsi qu’un facteur de cohésion de la communauté. Favoriser activement ces échanges semble une bonne chose, mais j’ai remarqué que l’auto-organisation et le laisser-faire fonctionne bien dans notre association : j’ai vu des débutants à leur deuxième ou troisième entrainement expliquer de A à Z tout ce qu’ils ont appris jusque-là à leur pote qui venait pour la première fois. Spontanément. Je n’ai pas une seule fois émis un encouragement à l’entraide. Il y a surement un moyen d’instaurer un tel climat, mais puisqu’il s’est toujours imposé sans que je n’aie rien eu à faire, je ne saurais en donner les clés. J’imagine que le fait de ne pas faire de cours structuré et de ne pas avoir une position trop prédominante lors des entrainements joue un rôle permissif. Peut-être qu’il y a quelque chose à ce sujet dans la littérature pédagogique, je suis preneur si tel est le cas.

Ne pas privilégier la compétition : beaucoup de gens pensent que la compétition est le principal moteur au niveau sportif (mais aussi social, ou même à l’échelle de l’évolution des espèces), et considèrent que le contraire reviendrait à un nivellement vers le bas. Pourtant, ce n’est pas l’enjeu ici. La compétition n’est pas le seul moyen, et à bien des égards pas le meilleur, de pousser à la performance. Pourquoi privilégier des relations gagnant-perdant alors qu’on peut obtenir des relations gagnant-gagnant ? Dans mon vécu de sportif, j’ai vu de la rage, de la violence physique et verbale, des pleurs, du dégoût, des abandons. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas perçu ceci lors des entrainements de parkour. J’ose imaginer que le fait de laisser les gens s’organiser par eux-mêmes, se fixer leurs propres buts, permet d’éviter les conflits. L’entraide se fait naturellement parce que c’est le meilleur moyen de s’auto-organiser lors que le mode de fonctionnement n’est pas imposé avec force par des conditions externes.
Il est intéressant de noter que d’opter pour un climat de maîtrise (privilégiant « l’apprentissage, les progrès personnels et la valorisation du travail et des efforts »[12]) au lieu d’un climat de compétition (valorisant la « comparaison sociale, la compétition interpersonnelle, et le résultat final ») conduit à une plus grande motivation et une persistance dans l’activité, pousse moins à des stratégies telles que la tricherie (qui est positive lorsque le but est de gagner, pas lorsqu’il s’agit d’apprendre ou de progresser), provoque moins d’anxiété… bref est, en tout cas en moyenne (certains individus étant sans doute mieux adaptés que d’autres à tel ou tel climat motivationnel) plus profitable que la compétition. La raison la plus valable d’opter pour la compétition à l’entrainement est lorsque le but d’un athlète est la compétition elle-même. Or, cette raison disparait dès lors que l’on considère que la compétition n’a pas lieu d’être. Et étant donné que seulement 16% de la population Suisse comptent la compétition parmi leurs raisons de faire du sport (contre 98% pour la santé, 91% pour penser à autre chose, 70% pour la convivialité…)[13], et que ce chiffre serait sans doute moins grand dans un environnement social et sportif moins compétitif, je l’écarte sans trop de remords des modes de fonctionnement que je valorise.

Structure de cours : au vu de tous les arguments exposés plus haut, comment organiser un cours de parkour ? C’est une question difficile que je ne cesse de me poser, et je vous invite à la discussion. J’ai quitté le monde des clubs sportifs, principalement parce qu’un modèle strictement structuré ne me convenait en rien. Je me suis juré de ne jamais répéter ce modèle (qui malheureusement est le plus simple et le moins contraignant à mettre en place, raison pour laquelle il est dominant). Je ne sais pas s’il est possible d’avoir un autre mode de fonctionnement efficace au niveau pédagogique, car il est vrai qu’il est très difficile de contrôler et conseiller un grand groupe si ce n’est avec un cours structuré. La transmission horizontale du savoir dont je parlais semble une bonne voie à explorer, mais elle n’est surement pas applicable avec des enfants ou un grand groupe de débutant (j’ai déjà mentionné que l’interaction débutant-débutant n’est pas très efficace pour le développement des connaissances). Il faut donc être constamment prêt à s’adapter. De toute façon cette adaptabilité est essentielle : en effet, la plupart des cours structurés que j’ai pu suivre n’étaient pas suffisamment modulables pour permettre à un sujet faible (faible pour la méthode utilisée) de suivre, ni à un sujet fort de développer son plein potentiel. En général, face à un individu qui éprouvait des problèmes, la méthode consistait à… répéter en boucle la même méthode, entrainement après entrainement, au lieu d’adopter rapidement une approche différente. Telle personne apprend de manière visuelle, telle personne auditivement, une autre préférera le « trial and error » pur et dur…
Bref, je recommande l’approche structurée avec les enfants (je dirais pour les moins de 12-14 ans, ensuite il est facile d’implémenter une autre méthode, mais je ne suis évidemment pas spécialiste de la pédagogie et j’ai peu d’expérience avec les très jeunes enfants) ou pour les débutants durant leurs premières semaines d’entrainement. L’approche structurée convient également bien lorsque la recherche de performance est importante, mais personne n’est à mon avis actuellement en mesure de pouvoir donner des directives précises concernant une intensité et un nombre de répétitions optimales de mouvements. Les traceurs ne suivent pas les recommandations concernant les méthodes de pliométriques, et pourtant développent une détente impressionnante.

Peut-être que je me base trop sur mon vécu personnel de la discipline et que l’auto-organisation ne convient pas à tous, mais les performances impressionnantes des traceurs actuels ou les progrès des groupes que je côtoie, ainsi que leur motivation, sont des indices que la pratique autonome fonctionne tout à fait bien et ce pour un panel très large d’individus. De plus, il y a un nombre croissant de gens qui commencent à vouloir rechercher une pratique moins contraignante, plus autonome (d’où l’explosion de la course à pied ou des différentes pratiques urbaines comme le street workout, voire même les salles de fitness), les alternatives au dogme du club sportif ont donc leur importance. Si concilier la pratique autonome avec l’encadrement d’un enseignant est un défi à relever, qui exige beaucoup de concessions de la part de l’enseignant et parfois du pratiquant lui-même, je pense qu’il y a là moyen de changer de paradigme sportif, et à défaut de changer le sport actuel, lui créer une alternative qui non seulement est viable mais me semble potentiellement plus bénéfique pour l’individu et la société.


[1] J’entends par enseignement la définition assez générale de « transmission de connaissances et de savoir-faire »
[2] Qui amène, selon les mots de Blane, une dilution de la mentalité parkour, des valeurs, des connaissances, des techniques, et quelque part de la force des traceurs… sa démocratisation se fait naturellement à un certain prix.
[3] La Morale anarchiste  et L'Entraide, un facteur de l'évolution de Pierre Kropotkine sont assez inspirants à ce sujet.
[4] Être capable de surmonter des obstacles avec un maximum d’efficience (plus précisément, en un minimum de temps et de dépense d’énergie, avec un maximum de certitude et de sécurité).
[5] Question subsidiaire : le parkour, fortement masculin depuis son origine, privilégie sans doute des formes de mouvements adaptés aux hommes, doit-on en modifier certaines pour les femmes (ou pour les hommes plus frêles, ou d’autres formes encore pour les enfants, la question n’est de toute façon pas ici de savoir ce qui est de l’ordre du naturel ou du social, du sexe ou du genre).
[6] Le parkour n’est pas dissociable de cet aspect, c’est ce qui fait sa spécificité, et j’ai déjà argumenté à ce sujet ici : http://yanndaout.blogspot.ch/2013_11_01_archive.html
[7] J’ai également déjà mentionné que je ne pense pas que l’on retire plus de plaisir à un niveau avancé que lorsque l’on est débutant. Les mouvements sont différents, les obstacles aussi, mais la relation entre les deux ne change pas. L’obstacle est subjectif, il est obstacle par rapport à soi, le bénéfice de le franchir se fait aussi toujours par rapport à soi et nos capacités actuelles. Il est par contre évident que l’on retire du plaisir à progresser, mais cela ne veut pas dire qu’il faut maximiser la performance.
[8] Les résultats vont dépendre de tellement de facteurs, dont la morphologie du pratiquant, son sexe, âge, mode de vie, motivation… qu’il est aberrant de vouloir faire de la comparaison objective entre les individus. De plus, on sait très bien que cette progression devra être freinée, stoppée, puis deviendra régression plus ou moins rapide avec le temps. Le dépassement de soi n’a plus de sens sur le long terme, et c’est une autre raison de voir que l’expérience quotidienne et intrinsèque de la discipline est bien plus importante que ses résultats.
[9] Situations d’urgence, mais aussi prendre un raccourci, franchir une barrière, courir après son bus…
[11] La littérature, notamment Darnis-Paraboschi et al, 2006, montre qu’une dysmétrie est plus profitable, surtout pour le sujet faible. Mais on admettra que tout le monde possède ou acquiert rapidement quelques connaissances sur les mouvements simples du parkour qui lui seront suffisantes pour progresser et faire progresser un sujet de niveau similaire ou inférieur.
[12] Sarrazin et al, 2006 http://rfp.revues.org/463?lang=en